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« La Haine », de l’écran à la scène

Le public de La Seine musicale à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) ne savait pas trop à quoi s’attendre ce jeudi 10 octobre pour la première de la comédie musicale La Haine. Comment retranscrire sur une scène l’urgence de ce film culte des années 1990, réalisé par Mathieu Kassovitz et tourné en noir et blanc ? Comment ne pas paraître, trente ans plus tard, anachronique dans une société où les nouvelles technologies bouleversent le quotidien ?
Certes, comme le souligne le sous-titre du spectacle, « Jusqu’ici rien n’a changé », les thèmes du film sont toujours omniprésents dans l’actualité : les bavures policières, la réponse violente des émeutes urbaines, le sentiment d’exclusion des populations en périphérie, et celui du déclassement des fonctionnaires de police. Comment réussir à faire passer un bon moment aux spectateurs avec un sujet aussi lourd ? Trois jeunes de cité, Saïd, Hubert et Vince, déambulent dans leur quartier et à Paris après une nuit d’émeute avec l’arme qu’un policier a perdue. Contre toute attente, la comédie musicale donne un sacré coup de jeune au film, et ses nouveaux acteurs font presque oublier Vincent Cassel et Saïd Taghmaoui.
Les deux metteurs en scène, Mathieu Kassovitz et Serge Denoncourt, ne se sont pas contentés d’enchaîner les quinze saynètes du film, ils les ont modernisées, redynamisées avec notamment les chorégraphies d’Emilie Capel et de Yaman Okur, et ont rajouté des scènes comme cette confrontation de danses hip-hop (break, krump, house) entre filles et garçons avec cette réplique cinglante de la petite sœur de Saïd (« On n’est plus en 1995, tu ne me dis pas quand je dois rentrer ou non. »)
Autre moment fort que le réalisateur a fait ajouter à la comédie musicale : l’échange amoureux avec le dur à cuire Vince et sa dulcinée voilée qui veut le voir quitter la cité et sa violence. Désarçonnée par l’attitude désinvolte et dangereuse de son compagnon, elle chancelle. Son vertige, son malaise et son envie de s’élever au-dessus de son quartier en plein chaos sont tout d’abord décrits par le texte de la rappeuse Doria mais surtout par le numéro d’acrobatie de cette dernière. Elle évolue devant une installation vidéo des scénographes et créateurs d’images canadiens Silent Partners Studio. Tout au long d’une heure trente de spectacle, leurs trouvailles techniques volent la vedette aux comédiens.
Le décor de la cité des Poètes de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines), où avait été tourné le film, est toujours là mais leurs images lui offrent un éclairage nouveau, une profondeur. Les façades décrépies et grises en deviennent presque belles. La cité défile en panorama pendant que les trois personnages principaux marchent sur un tapis roulant, donnant la sensation que les spectateurs avancent en même temps qu’eux. Déjà vu dans le spectacle Fiq ! du Groupe acrobatique de Tanger, l’iPhone remplace le miroir de Vince, ou le rétroviseur de la scène de la voiture que veulent voler les trois garçons. Une émeute avance inexorablement au son du Chant des partisans.
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